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Au Cameroun, l’opposition se déchire déjà sur la désignation d’un candidat unique pour la présidentielle d’octobre 2025

Tous veulent succéder à Paul Biya, mais aucun n’est prêt à se ranger derrière l’autre pour permettre d’envisager une alternance à la tête du Cameroun. A près de vingt mois de l’élection présidentielle prévue en octobre 2025, le chef de l’Etat sortant, 91 ans dont 41 aux commandes du pays, ne montre aucune volonté de passer le témoin. Face à lui, ses opposants se déchirent déjà sur la stratégie à adopter pour contrer un président patriarche qui apparaît déjà comme le candidat du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), hésitants entre promotion d’une transition avant le scrutin et tentative de constituer une alliance électorale pour 2025.
Premier opposant camerounais depuis qu’il s’est classé deuxième de la dernière présidentielle, en 2018, Maurice Kamto appelle les autres concurrents à l’adouber. « C’est le candidat le plus déterminé, le seul qui a un programme et à être vraiment critique envers le régime », insiste l’avocat Emmanuel Simh, 3e vice-président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC).
L’objectif est désormais de convaincre au-delà de sa base que Maurice Kamto est le seul responsable de l’opposition « qui donne de l’insomnie au pouvoir », comme le pense le député Jean-Michel Nintcheu. Ce dernier s’est rallié au MRC après son exclusion du Social Democratic Front (SDF) et a créé en décembre 2023 l’Alliance pour le changement du Cameroun. « Je vais rencontrer le plus de personnalités possible afin de les convaincre de soutenir la candidature » de l’ancien candidat à la présidentielle, assure-t-il.
Reste que le parti de Maurice Kamto, soumis à la répression des autorités, demeure méfiant et refuse toute idée de coalition, certains opposants étant, dit-il, des « taupes du régime ». Une intransigeance que le MRC développe également à l’endroit d’une transition où le pouvoir serait partagé entre pouvoir et opposition. « Lorsqu’on met en place une transition, cela ralentit l’économie du pays, parce que les partenaires financiers étrangers restent attentistes et personne ne s’aventure dans un pays incertain », souligne Emmanuel Simh.
L’idée d’une période de transition est en revanche soutenue par Joshua Osih, à la tête du SDF. Arrivé en quatrième position à la présidentielle de 2018, le successeur de l’opposant historique John Fru Ndi se dit favorable à une période de « transition inclusive » dont « Paul Biya doit faire partie », mais rejette le projet d’un candidat unique de l’opposition pourtant soutenu par son parti. Sauf, sans doute, si c’était lui qui était choisi.
« Les coalitions, c’est prématuré d’en parler aujourd’hui alors qu’on est en fin de règne », estime-t-il, tout en considérant qu’un tel projet est voué à l’échec. « Il suffit que Paul Biya demande à un membre de cette coalition de se porter candidat pour que celle-ci vole en éclat », prédit Joshua Osih, sans faire mystère de son intention d’être candidat à la prochaine présidentielle.
Arrivé troisième à l’élection de 2018, Cabral Libii n’est pas hostile non plus à une « transition inclusive » où seraient représentés tous les partis, mais il refuse que Paul Biya en prenne la tête. Selon lui, les acteurs politiques et de la société civile devraient choisir un candidat unique pour la présidentielle de 2025. Un « candidat de la transition » qui présiderait pendant trois ans maximum avant de mener le Cameroun à des élections générales.
En 1992 déjà, alors que le Cameroun organisait ses premières élections générales depuis le retour du multipartisme, l’opposition avait choisi le cardinal Christian Tumi pour une période de transition. Le prélat avait décliné cette responsabilité et John Fru Ndi avait finalement affronté Paul Biya au terme d’une élection contestée qui plongea le pays au bord de la guerre civile.
La dernière tentative de présenter un candidat unique de l’opposition remonte à la présidentielle de 2004. A quelques jours seulement du scrutin, John Fru Ndi, avait finalement préféré faire cavalier seul, refusant de se ranger derrière Adamou Ndam Njoya.
Pour le politologue Pierre Borice Menounga, au regard de toutes ces divergences, il sera difficile d’avoir une candidature unique de l’opposition en 2025. « Chacun voudra défendre ses positions motivées par les intérêts égoïstes. Seuls un art politique, une exceptionnelle capacité de négociation des acteurs, une volonté inébranlable d’alternance conduiront à une candidature unique, ce qui ne garantit pas le changement à la tête de l’Etat », analyse cet enseignant de l’université de Douala.
Ahmed Balla(Yaoundé, correspondance)
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